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Résumé BC Backyard Ultra

     Après un tirage au sort favorable en début d’année pour l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, il faut maintenant que je m’y prépare. Mon plan est simple: une première moitié de saison tournée vers le plat, la vitesse et une seconde moitié, vers la montagne et le dénivelé. Je souhaitais également avant cette course mythique, réaliser un nouveau 100 miles (160km), afin d’acquérir de l’expérience sur la distance. Malheureusement, passant l’hiver à Revelstoke, aucune course ne correspondait à mes attentes que ce soit en terme de distance, de dénivelé ou d’emplacement. Je me suis alors tourné vers un autre type de course, celui de la Backyard. Le concept est simple: parcourir 6,7km, toutes les heures, jusqu’à épuisement. Bon, sur le papiers c’est pas super attirant, mais une fois sur place et dans l’ambiance, cela devient tout de suite beaucoup plus fun que ça n’y paraît!! Le parcours est plat, mais je me dis que je pourrais alors réaliser au moins 30 tours, et donc courir durant 30H, soit le temps que j’espère réaliser pour l’UTMB.

     Je ne suis absolument pas préparé spécifiquement pour ce type d’effort à ce moment-là, mais je m’entraîne néanmoins à plat avec des semaines à plus de 100km, et réalisant de belles séances, je pense pouvoir atteindre mon objectif dès 30H.

     L’événement se déroule à Sicamous, soit moins d’une heure de Revelstoke, c’est parfait!! Le départ est le vendredi matin et nous nous y rendons le jeudi dans la journée afin de récupérer le précieux dossard. J’ai le numéro 30, était-ce prémonitoire de mon résultat?? L’avenir nous le dira. Ma chérie fait également partie de l’aventure, puisqu’elle sera là casiment toutes les heures, pour m’assister lors des ravitaillement entre chaque tour. Elle joue un rôle essentiel dans le déroulement de la course, car son format particulier ne laisse que quelques minutes toutes les heures afin de se ravitailler avant de devoir courir à nouveau.

     Le jeudi soir, c’est donc grande préparation. Le matériel d’abord, avec bien sûr tout ce qui est en rapport avec la course, donc les différentes tenues (de la pluie est annoncée), les chaussures, la veste… puis ensuite les ravitaillements. Je me mets alors au fourneaux, est c’est parti pour préparer les repas pour les prochaines 24 à 48 heures. Il y aura de la purée de pomme de terre et carotte, du bouillon, des sardines en conserve, de la pâte de fruit, des shakers de protéines, des bananes… un peu de tout!! Après la traditionnelle pasta party de veille de course, il est temps d’aller se coucher, avec un réveil programmé à 6H.

     Vendredi, ça y est, c’est le grand jour. Nous avons dormi sur le parking où a lieu la course, et après un réveil à l’heure prévue, nous allons directement installé la tente sur l’aire de départ. Déjà quelques coureurs sont là, l’idée est d’arriver tôt afin d’avoir un emplacement non loin de la ligne de départ/arrivée et ainsi gagner du temps entre les tours. Il pleut doucement, et un autre coureur nous propose très gentiment de poser notre tente sous son chapiteau. Il est vrai que nous étions casiment les seuls (si ce n’est pas les seuls) à ne pas en avoir. Nous acceptons volontiers et leur proposons en retour de partager notre table. Nous discutons un peu et sympatisons. Je retourne ensuite au van afin de prendre un bon petit déjeuner, de quoi tenir les premières heures de courses sans trop de difficultés. Œufs, bacon, pain, nutella, tout y passe.

     Il est maintenant un peu avant 8H, il pleut, tous les coureurs entrent enfin dans le sas de départ. Et à 8H pile, le premier départ est donné. Cette même routine sera répétée toutes les heures, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Pour la première fois de ma vie, l’objectif ici n’est pas de courir vite mais de courir longtemps, l’allure est donc relativement lente, très lente. Je découvre ce parcours, plat, qui commence par 800m de route dans un lotissement avant d’effectuer une boucle en aller-retour de 4km dans une forêt le long de la « Eagle River ». Nous retrouvons ensuite la route pour 1,9km lors d’un second aller-retour et finalement retourner à l’arrivée après 6,7km précisément.

     Cette distance n’est pas un hasard. Gary Cantrell, alias Lazarus Lake, alias « Laz », inventeur et directeur de course de la magnifique autant qu’immonde Barkley, est également à l’origine de ce concept. Son idée était de courir 100 miles (160km) toute les 24H. Il a donc simplement divisé 100 par 24, ce qui donne 4,167 miles (et donc 6,7km). Par ailleurs, il organise chaque année les championnats du monde Backyard directement chez lui, dans son jardin.

     Nous sommes 83 au départ, et les premiers tours se passent pour le mieux. L’ambiance est plus que bonne, nous sommes à la file indienne plus ou moins deux par deux dans la partie en forêt et ça discute, ça fait connaissance, ça rigole. Et parce que nous faisons 2 aller-retour, nous nous croisons tous à chaque fois. Tout le monde a son propre objectif, que ce soit 1 tour, 10 tours, 100km, 100 miles voir plus. Le premier coureur arrête après 4 tours soit 26,8km. Il est annoncé au micro quand nous sommes dans le sas prêt à partir pour le 5ème tour et tout le monde l’applaudit. C’est clairement cet esprit et cette ambiance que j’aime. Les tours se suivent (et se ressemblent), quelques coureurs arrêtent à chaque tour mais nous sommes toujours beaucoup. Une fois passé les 50km, au 8ème tour, je remarque d’un seul coup que les papotages ont cessé et que tout le monde est maintenant concentré sur sa course. Cependant, au niveau des demi-tours, toujours un signe ou un mot gentil entre nous. Nous ne courons clairement pas les uns contre les autres, mais chacun se pousse et s’encourage afin de donner le meilleur de nous-même. Quel kiff!!!

     Les tours s’enchaînent, j’essaye de garder un rythme constant, en alternant course et marche et finissant mes tours entre 43 et 46 minutes. Cela me laisse donc autour d’un quart d’heure à chaque fois pour manger, boire, m’étirer et dormir un tour sur deux pendant la nuit. Ces micro-siestes de 10′ sont bien plus réparatrices qu’il n’y paraît, c’est dingue!! J’ai la chance que ma chérie soit là pour m’assister, tout est donc prêt à chaque fois que j’arrive, je n’ai plus qu’à me servir parmis ce qui me fait envie sur le moment. Une ampoule sous mon orteil apparaît apres 12 tours, sûrement parce que je marche rapidement à plat, chose que je n’ai jamais faite avant. Mon corps à donc un peu de mal à s’adapter. Cela commence également à être dur niveau musculaire et articulaire, la fraîcheur du début a disparu mais la motivation, elle, est toujours plus grande. Après cette ampoule, je me rends compte et je me dis que je suis peut-être finalement plus à l’aise à courir qu’à vouloir marcher vite pour m’économiser, surtout si je récolte des ampoules en contre-partie. Je continue alors ainsi, voyant le peloton de coureur se réduire petit à petit. À minuit, après 16H de course, nous ne sommes plus que 24. La nuit est courte, avec les première lueurs du jour qui apparaissent vers 5H. Le début de matinée sera ensuite fatale, seulement 8 coureurs bouclent les 24H (100 miles).

     Une pluie fine tombe par intermittence, et je termine mon 24ème tour en 41’50, bien trop rapidement. Je le sens dans mes jambes, dans mes articulations et mes releveurs tibials (muscle en bas du tibia permettant de tirer le pied vers le haut) ne fonctionnent carrément plus… il reste 6H, je doute et ne sais pas si je serais capable de continuer encore jusqu’à mon objectif des 30 tours, marquant le passage des 200km. Je reçois du soutien de toutes les personnes présentes sur place ainsi que de ma famille et mes amis via les réseaux sociaux. Cela me redonne de l’énergie, tout mon corps souffre mais je ne doute plus et je repars, un tour après l’autre, « one step at the time ». Au 29ème tour, sur la base vie, mon regard croise celui de Ihor Verys. Pour ceux qui n’en n’ont jamais entendu parlé (ce qui est très probable car il est assez discret), il n’est autre que le dernier vainqueur de la fameuse Barkley, mentionnée plus haut, et dans une fascinante facilité. Il est également le vice-recordman de Backyard, avec 107 tours (plus de 700km) réalisés lors des derniers championnats du monde de la discipline!!! C’est donc exceptionnel de le voir ici. Nous sommes encore 6, et j’entame alors le 30ème tour. Celui que je vais considérer comme mon dernier. Je le boucle en 48’30, drapeau français sur le dos, et la satisfaction d’être arrivé au bout de mon objectif!! Je rejoins tout de même les derniers coureurs en lice dans le sas de départ afin de les encourager et de leur souhaiter bonne chance pour la suite.

     Alors certe, je réalise un « bon temps » pour mon dernier tour, ce qui me laisse penser que j’aurais pu continuer encore un peu. Je sais que j’en aurais été capable. Cependant, l’objectif était déjà rempli: celui de courir pendant des heures et des heures, me mettre en condition en vue de l’UTMB, tester le matériel, la nutrition, l’hydratation, le manque de sommeil… toutes les cases étaient cochées. Et seulement 1 mois après ça, le premier gros objectif de ma saison a lieu, le marathon de Calgary, dont vous pouvez dès à présent retrouver le résumé juste ici (https://lecomtebasalpin.fr/492-2/). C’est donc sans regret que je m’arrête, après avoir réalisé MA course, avec MES objectifs ce jour-là.

Un grand merci à l’organisation, qui malgré des conditions météos pas évidentes entre la pluie et le vent, a su nous faire vivre une belle aventure, de jour comme de nuit.

Un grand merci à ma chérie pour la superbe assistance, je n’aurais pas pu aller aussi loin sans ça.

Un immense merci à tout ceux qui ont pris le temps, famille et amis, de m’envoyer un message durant ce week-end, c’est dingue de recevoir tout ce soutien, cette énergie positive et ça fait clairement la différence!!

Photos: Vanessa Garrison, Outside.fr

     J’ai vécu durant ces longues heures une aventure sportive, physique et mentale, mais également une aventure humaine, où chacun court à son rythme, mais ensemble. Une chose est sûr, je n’en ai pas fini avec ce concept. Je reviendrai, et j’irai encore plus loin!!

Merci de m’avoir lu, Atoubiento!!

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