
Croatie, région d’Istrie : je suis venu, j’ai vu, tu m’as beaucoup plu!!

C’est parti pour mon compte-rendu, mon retour sur le format 110km/4100D+ auquel j’ai participé lors de l’Istria 100 by UTMB. Il y aura du bon, du moins bon mais surtout une superbe expérience à retenir et des enseignements à tirer. Si vous l’aviez manqué, vous pouvez au préalable aller jeter un œil à l’article consacré à ma transition de l’été à l’hiver et ma préparation pour cette course. Je diviserai cet article en deux parties. Dans la première, le déroulement détaillé de ma course, kilomètre après kilomètre, ravitaillement après ravitaillement, puis, dans la seconde, mon ressenti, une analyse générale : mes apprentissages, le bon, le moins bon, ce que je retiens de cette course et un débrief plus global.
La course
Le départ est prévu pour 7H, à Buzet. C’est une petite ville de 1700 habitants, entourée de collines. J’y arrive en avance, vers 6H10, accompagné de ma chérie qui s’occupe de mon assistance. La température est fraîche mais pas froide, aux alentours de 6°, idéale selon moi. Pendant que je m’équipe et me prépare, j’aperçois que les navettes de coureurs sont arrivées : 9 au total. Un rapide calcul me fait dire que nous serons bien plus nombreux que les 250 participants de l’année précédente. Après le rituel passage aux toilettes, je cours quelques longueurs sur la route, histoire de ne pas partir complètement froid. Je m’installe ensuite dans l’aire de départ, il reste une vingtaine de minutes avant le signal. Il y a de la musique, quelques annonces au micro en croate et traduites en anglais, puis un concert de batucada juste avant le départ.

Je retrouve Baptiste Galant à ce moment-là, que j’ai rencontré 2 jours plus tôt pour effectuer un footing et jouer aux cartes. Nous étions entrés en contact quelques jours avant la course, afin d’échanger sur celle-ci et justement s’organiser pour se rencontrer une fois sur place. À quelques minutes du départ, nous sommes donc côte à côte, sur le 2ème rang. Quelques mots de la part de l’organisation, et top départ est donné !!!
Buzet 0km – Buzet 42km
Les 3 premiers kilomètres se font sur la route, mais ne sont pas plats. Une première bute à gravir puis à redescendre et le peloton s’étire déjà, du moins au niveau des 50 premiers coureurs. Je suis aux alentours de la 20ème place quand j’emprunte enfin le premier sentier, accompagné de la 1ère fille. Sur les kilomètres suivants, je double quelques coureurs partis rapidement devant et quelques autres me doublent, chacun trouvant doucement sa place à son allure. J’attaque la 1ère véritable montée de 200D+ seul. Je vois un petit groupe derrière moi et un autre devant moi. La journée ne fait que commencer, pas encore le moment de s’enflammer. Malgré le fait que je sois sur la retenue, je grignote cependant du temps sur les coureurs devant, que je rattrape juste au sommet. S’ensuit alors, pour 4km, un large sentier assez plat, où le rythme est plutôt bon. Nous sommes un groupe de 4/5 et quelques relais sont pris.



13ème km, début de 160D- peu abrupt, mais dont la technicité me surprend et ralentit tout de même ma bonne progression. Je me dis à ce moment-là que si toutes les descentes sont aussi techniques, je me suis alors assez mal renseigné sur le parcours. Je me fais quelque peu distancer par le groupe, mais pas de panique, on n’approche seulement que du 1er ravitaillement. Quelques centaines de mètres avant d’y arriver, je fais le point de ce qu’il me reste sur moi : encore pas mal de barres et de gels ainsi que plus d’une flasque d’eau. Il fait encore frais et seulement 12km me séparent du prochain ravitaillement, cela suffira. En arrivant, avec quelques minutes d’avance sur mes prévisions, je tombe par surprise sur Baptiste, en train de remplir ses flasques. Je lui fais remarquer que je suis là et continue ma route sans m’arrêter.


Dès le passage du ravitaillement, on s’attaque à 3 montées successives, de 250D+, 110D+ et 200D+, entrecoupées de courtes portions plus plates. Baptiste refait son petit retard sur moi rapidement, et l’on reste alors ensemble pour presque 10km. On discute un peu au début, comment on se sent, ce qu’on pense du terrain, de l’allure à adopter… on se motive et on se soutient mutuellement. Je trouve ça toujours cool de pouvoir partager quelques kilomètres en début de course avec quelqu’un de familier, cela permet de rentrer doucement dans son effort.
On enchaîne alors les montées, avec un rythme assez bon, un rythme peut-être un peu au-dessus de celui que je devrais adopter. Ce n’est pas grave, je m’en rends compte sur le moment, je reste en contrôle et me dis que de toutes façons je suis aussi là pour ça. Je ne veux pas me contenter d’avancer en restant dans ma zone de confort, je veux être maître de ma course, quitte à être dans le dur plus tard, mais je veux attaquer, aller de l’avant. J’atteins le sommet du Mont Gomila (1027m), point culminant du parcours, toujours accompagné de Baptiste.


Il ne reste plus qu’à redescendre en direction de Trstenik, 340m plus bas, lieu du 2ème ravitaillement. Contrairement aux montées, cette descente est plus raide. Peu technique au début, mais des rochers et des cailloux font rapidement leur apparition. C’est à ce moment-là que Baptiste me passe finalement devant et se détache, accompagné d’un autre coureur qui nous suivait depuis un bon moment déjà. Je termine la descente pas trop mal, à mon rythme, et j’atteins le 2ème ravitaillement en 15ème position, toujours avec quelques minutes d’avance sur mes temps prévisionnels. Je remplis rapidement mes flasques, et je reprends ma progression tout de suite.
Aussitôt reparti, je sens que j’entre dans une seconde partie de course. Mes jambes, comme les températures, ne sont déjà plus aussi fraîches qu’au départ. Baptiste, qui s’était arrêté plus longuement au ravitaillement me dépasse de nouveau.

Une ultime montée de 250D+ nous mène sur le Mont žbevnica (1014m). Durant celle-ci, je refais mon retard sur l’anglais Ryan Fraser (21ème à l’arrivée), et nous discutons un peu. Nous sommes ensuite repris par la 1ère fille. J’ai une première baisse d’énergie en fin de montée, ce qui me fait décrocher. Une fois au sommet, nous avons une magnifique vue à 360° sur toutes les collines qui nous entourent. Il ne nous reste plus que la descente qui nous fait revenir jusqu’à Buzet. 750D-, la plus longue de la course.

Nous avons récupéré le même parcours que le 168km qui a débuté la veille, et je double régulièrement certains coureurs de ce format. Je gère mon allure comme je peux, en assurant la descente qui se veut une nouvelle fois pas vraiment technique, mais où il faut néanmoins bien choisir sa trajectoire sur de larges pistes plutôt accidentées et parsemées de cailloux. De temps à autre, quelques courtes portions de route, plus plates, permettent de laisser filer les jambes sans les retenir.
Comme prévu, je change de chaussures comme j’aime le faire durant mes courses et également de chaussettes. En voulant remettre les nouvelles, je suis en proie à de belles crampes au niveau des fessiers. Je comprends alors que j’ai déjà perdu pas mal de sel, et au vu de la journée qui se profile, je ferais mieux de combler cette perte au plus vite. Je bois alors 2 cachets d’un coup d’électrolyte, ainsi que mon shaker de protéines. La barre protéinée ne passera pas, je la garde pour plus tard.
J’arrive alors en fin de descente, seulement 2 petits kilomètres de route, à plat, me séparent du prochain ravitaillement. Mon allure sur cette petite portion se situe aux alentours de 5’10/km. 4H09′ après le départ soit 1′ de plus que sur mes prévisions, j’arrive au gymnase de Buzet ,18ème. C’est le 3ème ravitaillement, et le 1er autorisé à l’assistance. J’y retrouve alors ma chérie dans ce rôle. Je viens de parcourir 42km et déjà plus de 1800D+.
Je change également de T-shirt pour enfin arborer fièrement les couleurs de la Duc Army, et notifier clairement mon allégeance au Duc de Savoie : Ugo Ferrari. En ressortant du ravitaillement, j’entends une dame qui m’encourage « allez Guillaume, et bravo pour la Yukon !!! », cela me surprend un peu mais me fait énormément plaisir et me booste pour repartir.
Buzet 42km – Livade 74km

Ce qui devait arriver arriva, mes tendons d’Achille faiblissent. Bien que j’aie appliqué un tapping le matin, ils commencent à avoir du mal à se remettre en route après un arrêt au ravitaillement. Cela prend quelques minutes avant qu’ils ne se « réchauffent » et me permettent de courir correctement. C’est embêtant mais ce n’est pas grave, je fais avec. Un petit peu de route afin de sortir de la ville avant de retrouver les sentiers. On attaque par remonter une piste de VTT, assez raide et accidentée. Je commence alors à souffrir de la chaleur et, ajouté à tout le liquide que je viens d’ingurgiter au ravitaillement, je sens mon système digestif mis à mal. J’ai des nausées et envie d’aller aux toilettes. Pardonnez-moi l’expression, mais d’un côté ou d’un autre, il va falloir que ça sorte. Arrivé en haut de la montée, je m’écarte du chemin pour essayer d’aller mieux, sans succès. Je reprends alors doucement ma route, en espérant que ça passe.
Les kilomètres défilent, mon état s’améliore doucement, seule la chaleur reste, ce qui me ralentit. La gestion de l’eau devient alors tout de suite très importante. Le prochain ravitaillement se trouve encore à plus de 10km, il faut se rationner. Heureusement, au 50ème km, on trouve un ruisseau que l’on traverse, qui permet de mouiller la casquette et de se rafraîchir comme il faut. En fait, on le longe sur 2km, et on le croise 6 ou 7 fois d’affilé. Je rattrape également mon ami anglais Ryan Fraser qui m’avait distancé quelques kilomètres plus tôt. On quitte ensuite le fond de vallée pour une montée de 280D+. Celle-ci est plus ou moins ombragée. J’apprécie à ce moment de la course les parties montantes, où la marche avec bâtons bâton est nécessaire, car la faible allure permet de se reposer nerveusement, mais en pouvant cependant conserver un certain rythme. Je ne me sens pas trop mal de nouveau, et je me détache de Ryan.

En haut, pile en rentrant dans le village de Vrh (si quelqu’un sait comment cela se prononce ?!), on tombe sur une fontaine. Une bénédiction à cet instant. Pas le temps d’y camper non plus, il reste encore 5km avant Butoniga, prochain point de ravitaillement. Commence alors une descente de 340D-, pas super raide, mais toujours avec une certaine technicité. Il faut encore trouver et choisir où poser les pieds. Une dernière petite bosse de 100D+ qui nous mène à Šćulci puis c’est la dernière descente, 100D- principalement sur la route. Je vois enfin le ravitaillement, au bout de la digue, 600m plus loin. Tout en admirant le lac Butoniga sur ma droite, je tente de remettre un peu de rythme dans ma foulée. J’y parviens difficilement, la dernière section m’a particulièrement touché et éprouvé.

Bien que mal en point à mon arrivée ici, je suis cependant en 16ème position. Peut-être est-ce justement la raison de mon état, j’ai trop poussé la machine. Quoiqu’il en soit, je me rue sur les robinets d’eau pour m’asperger le visage, la nuque et boire abondamment. Je dois refroidir mon corps le plus possible, par tous les moyens que j’ai à disposition. Anaëlle est ici, bien qu’elle ne soit pas autorisée à m’assister. Elle m’encourage cependant, et c’est toujours bien de voir quelqu’un de familier dans les moments difficiles comme celui-ci. Je bois beaucoup, je mange ce que je peux et je repars en direction de Livade, prochain point de ravitaillement 15km plus loin, et avec l’assistance autorisée cette fois.


Une fois encore mes tendons d’Achille me font souffrir au départ. Je repars avec un petit groupe de coureurs mais qui me distance rapidement car je ne peux pas vraiment courir. 2km de plat pour commencer cette section, en longeant un canal, puis une belle bosse de 380D+ pour monter au village de Zamásk. A ce moment-là, il fait chaud ; à vrai dire je n’ai même plus vraiment de souvenir de cette montée. Je me souviens qu’une partie est effectuée sur la route, longée par des oliviers.

La descente suivante est une nouvelle fois technique, sans être extrême non plus. On rejoint une nouvelle route, et c’est là, que dans un manque de lucidité, je rate une intersection. Je pars à droite, alors qu’il fallait partir à gauche. Concentré sur mon effort à tenter de courir, je ne m’en aperçois pas tout de suite bien sûr. C’est seulement après une bonne centaine de mètres, lorsque je remarque qu’il n’y a plus de marqueurs sur la route, que je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche. La vue est assez dégagée et je me retourne pour apercevoir la fameuse intersection. J’y vois alors 2 coureurs prendre effectivement à gauche. Pour la première fois de la course, je sors mon téléphone pour regarder la carte, et je remarque qu’il est possible de récupérer le tracé 200m plus loin, sans que cela ne me fasse perdre ou, plus important, gagner du temps. Lorsque j’arrive pour regagner le bon parcours, au pied de la prochaine montée, un van de l’organisation est justement stationné et je m’y dirige pour leur expliquer pourquoi j’arrive d’une route opposée. Je parle en anglais, et très vite le conducteur me répond en français, nickel. Il me dit qu’il n’y a pas de soucis, cela ne fait aucune différence, je récupère le bon chemin et tout va bien. Me voilà rassuré, et je me remets dans ma course. Plus qu’une bosse avant le ravitaillement.
Il fait chaud, je gère mon eau, j’ai très soif. Au sommet de celle-ci, on arrive dans le village de Motovun. Dans un style moyenâgeux, avec de gros pavés au sol et des rues super raides. Il devient alors très difficile d’utiliser les bâtons ; soit ils glissent sur les pavés, soit ils se coincent entre ces derniers. Avant de basculer de l’autre côté, on traverse une petite place avec des restaurants, le contraste avec nous est assez drôle.

Je cherche désespérément dans tous les coins s’il n’y a pas une fontaine ou un robinet, mais je ne trouve rien. On commence la descente sur la route, puis dans des chemins en forêt. C’est là que, dans une portion boueuse, je glisse et sans rien à quoi me retenir, je tombe en arrière. Je me retrouve alors allongé de tout mon long dans la boue. Le temps de m’en rendre compte, de retrouver mes esprits et de vérifier que tout va bien, je me relève et m’essuie rapidement les bras et les jambes. Je poursuis ma course avec une légère douleur au coude, mais rien de très préoccupant. La fin de la descente est marquée par la traversée de la rivière Mirna ; il ne reste plus qu’un kilomètre sur la route pour atteindre Livade. Je remets du rythme pour rester le moins de temps possible sur le bitume, je suis à 5’20/km, ce n’est pas si mal.
J’arrive au ravitaillement après 74km et 3300D+, en 8H33′. Je suis désormais tombé à la 23ème position, ayant réellement subi la chaleur sur cette dernière section. Ma seule préoccupation maintenant est de me refroidir. Je commence à m’asperger la tête et la nuque sous un des robinets. Je rejoins ensuite Anaëlle sous la tente, où elle a préparé mes affaires. Comme à Buzet, je consomme un shaker de protéines ainsi qu’une flasque avec 2 cachets d’électrolytes. Je n’ai pas eu de crampes malgré tous les sels minéraux que j’ai dû perdre jusqu’à présent, je me dis donc que les 2 cachets pris à Buzet ont dû faire leur effet, je réitère donc l’opération. En même temps, la canadienne Julie Lesage, 4ème fille et en mission pour aller chercher le podium, s’installe juste en face de moi. Je me force à manger, une barre, un gel et quelques quartiers d’orange qui font du bien. Je me prépare à repartir pour les 38 derniers kilomètres. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne reste que 2 montées, la mauvaise c’est qu’après ça, il va falloir courir sur 22km de plat descendant, c’est là que le classement va se jouer.

Livade 74km – Umag 111km


Je repars de Livade, tant bien que mal physiquement, mais la motivation, elle, est encore grande. Je suis vite rejoint par Julie qui quitte elle aussi le ravitaillement. On ne restera ensemble que quelques dizaines de mètres. Clairement, elle est bien plus en forme que moi. Je me remets doucement en route, et j’attaque l’avant dernière bosse de la course, et pas des moindres, 340D+. Cet enchaînement de montées/descentes est vraiment difficile pour les jambes, il faut sans cesse relancer, changer de rythme et de foulée. Toujours sous une chaleur que je perçois comme écrasante, je grimpe à mon rythme. Je ne me rends plus vraiment compte si celui-ci est plutôt bon ou non, mais au moins plus personne ne me double. Au sommet, encore un village, celui de Oprtalj. Une jolie ligne droite sur la route continue de permettre au soleil de faire son malin travail, à savoir nous assécher. Je cherche encore une fois, mais je n’y trouve aucune fontaine ni robinet, tant pis, je continue de gérer mon eau autant que possible.
(Petite parenthèse « coup de gueule »: en traversant ce village, je suis resté par hasard au même niveau qu’une concurrente du 69km (dossard 2645 pour la citer, sans scrupule), qui courait non seulement avec un pacer, ce qui est interdit, mais EN PLUS, ce pacer lui portait son sac avec son eau, sa nourriture et son matériel en lui tendant ce dont elle avait besoin quand elle en avait besoin. Je ne lui ai rien dit sur le moment, je ne connais pas sa condition ou ses raisons de faire ça, mais une tricherie pure et dure, de ce genre, m’a vraiment choqué. Personnellement ça ne m’affecte pas puisque ce n’est pas ma course, mais honnêtement, comment peut-on ensuite se prétendre finisheur, être fier de sa médaille et se dire que l’on mérite sa place dans le classement, quand on a tout bonnement triché ?! Bref, je trouve cela complètement irrespectueux envers l’organisation et surtout envers les autres participants !!!)
Revenons-en à la course. La descente suivante se veut raide dans un premier temps, puis se radoucit jusqu’à devenir presque plate sur 2km. J’y double le dossard 1003, visiblement en mauvaise forme, sur le point d’abandonner. Je prends juste le temps de lui demander si tout va bien, ce à quoi il me répond que oui, rien de grave. Je viens de dépasser les 10H de course, le vainqueur vient de passer la ligne d’arrivée, et je débute de mon côté la toute dernière bosse ; 250D+ avec le village de Završje à traverser. Rien de spécial à déclarer lors de celle-ci, si ce n’est la magnifique fontaine qui se trouve juste avant de quitter la route. J’y plonge ma casquette, et y bois de grandes gorgées. La question de savoir si l’eau y est potable ou non ne se pose même plus à cet instant. Je poursuis mon effort, bâtons enclenchés, aussi bien physiquement que mentalement, avec pour objectif de conserver ma place proche du top 20.



J’arrive au tout dernier point haut de la course, et je peux apercevoir Grožnjan 2km plus loin, lieu du prochain et avant-dernier ravitaillement. Il reste quelques centaines de mètres de chemin, puis on retrouve la route juste au moment de rentrer dans le village. Il y a du monde, l’ambiance est bonne. Il est presque 19H, et les températures ont commencé à baisser. En arrivant je me sens de nouveau un peu mieux ; je me dis que mon corps est vraiment fait pour fonctionner à des températures plus basses. Anaëlle est ici pour m’encourager une dernière fois avant l’arrivée. Il reste 22km, en grande majorité en légère descente et à plat. Un bon semi-marathon où « ne pas craquer » vont être les maîtres mots. Chaque seconde pourrait désormais être décisive, je ne traîne donc pas, je bois abondamment, refais le plein d’eau, mange quelques oranges et du jambon cru pour le sel et je repars aussitôt en petites foulées.
Un peu de route au début, puis on trouve très vite une belle piste large. Je suis alors 21ème, et je vois le 20ème à une centaine de mètres devant moi. Le top 20 à portée de main. Je rassemble mes forces, toutes celles que j’ai pu économiser jusqu’à présent, exactement pour cette partie. Je me concentre sur ma foulée et je ne le quitte pas des yeux. Je suis à 5’15/km et je le vois qui se rapproche doucement, j’y crois. Entre temps, je double un coureur du 168km qui me lance « il fait plus chaud qu’au Yukon là, hein ?! », je suis surpris et amusé par sa remarque, je lui réponds qu’il ne croit pas si bien dire. Je reste concentré sur mon effort, jusqu’à ce qu’on quitte cette piste, presque 4km après l’avoir commencée.

Je n’ai donc plus de visuel sur lui, et malheureusement je n’arriverai jamais à remonter sur lui malgré tous mes efforts. Après cette section rapide, j’arrive au tout dernier ravitaillement, celui de Buje. Il reste 14km, tout du plat, ou presque. Je remplis mes flasques, prends 2 quartiers d’orange et je repars.
La traversée de la ville n’est pas des plus faciles. Ça monte. Pas assez pour ressortir les bâtons, qui seraient en plus désagréables sur le bitume, mais trop pentu pour courir. Je dépenserais trop d’énergie, je préfère encore la conserver un peu pour plus tard. Je passe le sommet du village, et évidemment, on redescend de l’autre côté. Le terrain de la fin est relativement facile. Quelques kilomètres de chemin sinueux puis un bon 7km de piste de nouveau large, ultra plate. C’est à ce moment-là que je me fais doubler par une fusée, un autre français, Clément Fontenay qui lui finira 20ème. Je n’ai pas pu m’accrocher à son train.


Je m’efforce cependant de maintenir mon allure en dessous de 6’/km. Les 2 derniers kilomètres, on entre enfin dans Umag, on alterne entre route, trottoir et piste cyclable. L’énergie de fin course, un mélange d’excitation et d’adrénaline gomme toutes les douleurs et je perds encore 1′ sur mon allure. Je suis 22ème, mon numéro fétiche, hors de question qu’on vienne me le prendre si proche de l’arrivée. Je donne tout, je vide le réservoir.

L’arrivée sur le port, le passage dans les barrières de l’UTMB notifie de l’arrivée toute proche. Une dernière rue et j’aperçois le clocher au pied duquel se trouve l’arche d’arrivée. Je savoure ce dernier virage, un cri de joie et, 13H12’13 » après avoir franchi la ligne de départ, je passe celle d’arrivée, tout juste à la nuit tombée.

Je suis super heureux, je récupère ma médaille puis je retrouve ma copine pour la remercier d’avoir été là tout au long du parcours. Je retrouve également Baptiste et sa copine Gaëlle, je le félicite pour sa superbe course, lui qui finit 5ème. Nous finissons la soirée ensemble au restaurant, avec une belle pizza, bien méritée.
Analyse
Premièrement, je suis très satisfait de ma course et de mon résultat. 22ème, ce n’est pas le top 20 que j’avais comme objectif, mais ça en est tout proche. Mon objectif n’était donc ni trop, ni pas assez ambitieux. J’arrive, plus ou moins, à être objectif sur mon niveau, sans me sur ou me sous-estimer. Je suis à seulement 7′ du top 20 et 28′ du top 15. Sur 13H de course, ce n’est pas énorme, signe une nouvelle fois de la belle densité présente sur ce format.

Sur ce sujet, j’ai d’ailleurs remarqué que sur les événements « by UTMB », qui proposent pour la plupart des formats 100miles, 100km, 50km et 20km, et bien c’est presque systématiquement le format 100km qui présente la plus grosse densité. On peut le constater actuellement sur la Canyons Endurance Run et le Ventoux qui viennent d’avoir lieu.
Comme toujours, il y a aussi des choses améliorables, mais c’est aussi ce qui fait la beauté du sport et ce qui rend particulièrement excitant celui-ci. On peut toujours progresser. En parlant de progression, je vais démontrer la mienne en exposant quelques chiffres avec une petite comparaison. J’ai maintenant participé à 3 formats 100km « by UTMB ». La Canyons Endurance Run le 29/04/23, le Nice Côte-d’Azur le 30/09/23 et Istria le 12/04/23. Maintenant, le temps que j’ai mis, mon classement ainsi que mon index UTMB pour chacune d’elles :
Canyons (103km/3200D+) : 13H55′, 94ème/537, 561 index UTMB
Nice (114/5000D+) : 18H07′, 97ème/976, 579 index UTMB
Istria (112km/4100D+) : 13H12′, 22ème/468, 652 index UTMB

Ce que je retiens ici, c’est une nette progression en 2ans. Premièrement, visible sur mon index UTMB, qui continue de se rapprocher doucement des 700. Deuxièmement, après de rapides calculs que je vous épargne, c’est une réduction de 18% sur mon temps total de course, en prenant en compte la distance et le dénivelé, entre la Canyons et Istria. Troisièmement, alors qu’il y a encore 1an ½ en arrière, j’espérais intégrer le top 100, je peux aujourd’hui aller me battre pour des tops 20. Je peux donc en conclure : que ce soit par des faits ou théoriquement via des calculs, je suis indéniablement meilleur d’année en année, course après course. Mentalement, c’est très, très bon pour la motivation et la confiance également. Pourquoi alors s’arrêter en si bon chemin, pourquoi ne pas continuer dans cette voie afin de découvrir mon vrai potentiel et l’exploiter jusqu’au bout ?

J’ai décelé quelques pistes d’amélioration que je vais tenter de suivre, ce qui me permettra de travailler mes points faibles et ce qui m’a manqué durant la course. Physiquement d’abord, j’ai manqué de sorties longues, vraiment longues. En 4 semaines de préparation, j’ai effectué 7 séances au-dessus de 20km. Aucune ne dépassait les 28km et/ou 3H de course. Je vais changer cela pour le mois de mai, en tentant d’allonger considérablement les séances, afin d’atteindre des temps passés dehors autour de 4/5/6H. Je sens que c’est ce dont j’ai besoin pour continuer à progresser.
Mentalement ensuite, je n’ai pas abordé Istria complètement comme je l’aurais dû. En fait, j’ai été biaisé par ma perception de la distance à parcourir. Évidemment, après avoir achevé les 625km du Yukon Arctic Ultra en 8 jours, me lancer sur 110km à faire entre 12 et 14H, cela s’apparente à un sprint. C’est ce que je disais à mes proches en plaisantant, mais je pense que mon esprit l’a finalement assimilé comme tel. Une erreur qui m’aura valu de me faire remettre en place par la course elle-même. Une leçon pour mes prochains objectifs : NE JAMAIS SOUS-ESTIMER UNE DISTANCE. Peu importe cette dernière, 15, 50 ou 160km, c’est toujours autant de kilomètres à parcourir et il faut bien en avoir conscience avant de prendre un départ.
Enfin, au niveau du matériel, ce que j’ai à dire sera plus un retour d’expérience sur ce que j’ai utilisé. Concernant les bâtons, je me suis posé la question de les prendre ou non, vis-à-vis du ratio distance/dénivelé qui n’est vraiment pas énorme. Ce que je peux en dire, c’est qu’ils m’ont été très utiles. Afin de conserver de l’énergie dans la première partie de course et pour quelques-unes des bosses après Buzet qui sont assez abruptes. Ils seront certes inutiles à partir de Grožnjan, mais ce n’est qu’un détail comparé à leur utilité avant ce ravitaillement. J’ai également fait le choix de changer de chaussures à Buzet, pour quitter mes chaussures de trail et continuer en chaussures de route, comme j’aime le faire lors de mes ultras. En connaissant maintenant la technicité du parcours, je continuerais la seconde partie en chaussures de trail, ou au moins avec des chaussures mixtes trail/route. Une dernière pensée, au niveau de mes ravitaillements. Bien que j’aie essayé de ne pas y passer trop de temps, les fortes chaleurs m’ont contraint à m’y arrêter plus longtemps que prévu. Environ 30′ sur l’intégralité du parcours. J’ai fait de mon mieux, je sais que la gestion de la chaleur est également un paramètre sur lequel je dois travailler et m’améliorer.

Remerciements
Merci à ma chérie de m’avoir accompagné sur cet événement, une première expérience ensemble en tant que binôme « d’assistante » et « d’assisté », c’était top, hâte de la prochaine.
Merci (et bravo encore) à Baptiste et Gaëlle, une belle rencontre, une magnifique course et de bons moments de camaraderie passés ensemble, on se revoit bientôt.
Merci à toute l’organisation et aux bénévoles pour ce bel événement.
Merci à mes proches, ma famille, mes amis et à tous ceux qui ont pris le temps de m’envoyer un message avant, pendant et/ou après la course.
Conclusion
Voilà donc mon résumé, mon retour sur cette Istria 112km/4100D+. J’espère que celui-ci vous plaira, qu’il répondra peut-être à certaines de vos questions. Si jamais certains d’entre vous pensent à y participer l’année prochaine, c’est une course que je recommande fortement. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me contacter pour me les poser et j’y répondrai avec plaisir !!!
Deux semaines après l’événement, je suis maintenant de retour à l’entraînement avec une nouvelle préparation en vue de la Maxi-Race d’Annecy le 31 mai. Une préparation encore une fois express, et remasterisée grâce à mes nouveaux apprentissages.
Qu’est-ce qui conditionne la réussite? La capacité à soutenir un effort continue.
Henry Ford
FIN