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Transition hiver/été, préparation Istria 110K

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     L’objectif de l’hiver, à savoir le Yukon Arctic Ultra, est maintenant derrière ; la saison estivale pointe le bout de son nez, il va donc falloir retrouver les sensations pour aller se faire plaisir sur les sentiers et dans la montagne!!

     Une petite introduction afin d’éclaircir le pourquoi du comment de cet article qui va être pour une fois relativement rapide (quoique). Il va me permettre, d’abord d’un point de vue personnel de garder une trace sur ce que j’ai mis en place pour transitionner de la course à pied hivernale vers la course à pied estivale. Je pourrai ainsi, d’ici quelques semaines/mois, analyser et comprendre de manière globale quels sont les points qui ont fonctionné ou non. Puis, d’un point de vue plus général, de partager cette expérience avec vous afin que vous puissiez -pourquoi pas- vous en inspirer dans votre propre pratique, si certains d’entre vous se reconnaissent à travers ma situation. Enfin, dans une seconde partie, je développerai comme à mon habitude ma préparation spécifique en vue de l’Istria 110km/4000D+.

     Pour la deuxième fois cet hiver (après 2022/2023), ma pratique du trail a dévié vers celle de la course polaire, avec toutes ses particularités et spécificités. Une adaptation complète du corps afin de se conformer au mieux aux demandes de cet effort pour le moins atypique. Trois grandes adaptations sont nécessaires selon moi.

    – La première se tourne vers ma foulée. Qui dit course hivernale, dit course dans la neige (du moins ici au Yukon). Ma foulée est donc complètement chamboulée que je le veuille ou non, pour 2 raisons : la neige bien sûr, et la pulka que je tire derrière moi. La neige d’abord. Une surface molle, peu adhérente et qui patine. L’obligation donc de devoir développer beaucoup plus d’énergie pour maintenir la même allure que je ne le ferais sur un sol dur. La pulka ensuite : lorsque je suis en contact avec le sol, je peux tirer la pulka. Mais dès lors que mes 2 pieds sont en l’air, je suis directement ralenti. Cette force qui me retient en permanence vers l’arrière, m’oblige à adopter une foulée beaucoup plus rasante et terrienne qu’aérienne, en temps normal. Résultats : la taille de mes foulées diminue et je me retrouve beaucoup plus à trottiner qu’à réellement courir.

   – Autre adaptation importante, il s’agit des nouvelles chaînes musculaires qui entrent en jeu. Je tiens à préciser ici que je ne suis en aucun cas en possession d’un quelconque diplôme ou d’une quelconque formation médicale, tout ce que je décris ici repose uniquement sur mon expérience et mes ressentis (Si un professionnel souhaite intervenir afin de compléter mes propos, qu’il n’hésite pas à me contacter). Comme lors de toute nouvelle pratique d’une nouvelle activité physique, la progressivité est un des grands piliers pour laisser le temps à son corps de s’adapter. Cela diminue le risque de blessure. De cette façon, j’ai commencé à utiliser ma pulka en la chargeant légèrement au début, puis en augmentant petit à petit la charge. J’ai rapidement senti des muscles, ou des zones complètes de mon corps qui ont alors commencé à forcer, comme les moyens fessiers sur les côtés du bassin ou encore les lombaires. Personnellement, j’utilise une ceinture pour tracter ma pulka, mais pour ceux qui préfèrent un harnais, alors le gainage des abdominaux et le renforcement des épaules sont également très importants.

     -Enfin, la dernière adaptation n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit de s’habituer aux conditions météo, et notamment au grand froid. Ce n’est pas du tout la même chose de courir à 15°, à 0°, à -20° ou encore à -40°. Je passerai sur l’importance de l’équipement pour me concentrer plutôt sur les effets directs sur le corps. Plus la température descend, plus je vais être limité dans l’entraînement. Par exemple, il est impensable de partir faire un fractionné à 110% de VMA s’il fait -25°. Premièrement, le corps et les muscles n’atteindront jamais une température suffisante à leur bon fonctionnement. Le risque de blessure de type claquage ou élongation est donc augmenté. Ensuite, l’air y étant non seulement très froid mais aussi très sec, le risque, en réalisant un fractionné, est de dilater fortement ses poumons de par les grandes bouffées d’oxygène que le corps réclame et d’entraîner une brûlure des bronches. Ce qui est extrêmement déplaisant, voire très douloureux.

     Pour ces raisons, au plus la température descend, au plus l’intensité devra être basse. Mon manque de fractionné durant l’hiver, a donc pour effet de me faire perdre de ma capacité cardio-pulmonaire ainsi que de mon travail de foulée, puisque je n’ai plus l’occasion de l’entretenir.

     De l’ensemble de ces 3 adaptations à la course hivernale résulte donc le fait que je ne sache plus courir. Je pourrais comparer cela en disant que je suis passé d’une Formule 1 à un tracteur diesel. Certes, j’ai un gros moteur, je peux courir très longtemps avec une lourde charge, mais sans aucune vitesse. C’est donc toutes ces adaptations qu’il faut tenter d’inverser, avec la subtilité de ne pas perdre non plus les qualités acquises durant l’hiver.

     Cette partie sera bien plus courte, puisque vous l’aurez déjà compris, il s’agit en majorité de l’opposé de la partie précédente.
     Effectivement, la neige laisse place ici à des terrains durs, que ce soit la route ou les sentiers. L’avantage que je pourrai cependant tirer de mon hiver, sera sur les sections boueuses où l’on patine et qui se rapprochent de la neige.
     La grosse différence également, est de recommencer à courir sans pulka. Je suis de nouveau complètement libre de tout poids, plus rien ne me retient.
     Enfin, les températures plus clémentes me permettent de recommencer les séances de fractionné.

     Je me retrouve donc, en sortie d’hiver avec un bel état de forme, des jambes et un haut du corps musclé, mais, en gros, ne sachant plus courir. Le principal et délicat objectif de cette période, avant la première course de trail de la saison, est donc de retrouver de bonnes sensations en courant et une vraie belle foulée de coureur à pied. Après avoir bien récupéré du Yukon Arctic Ultra, je vais donc entamer une période d’environ un mois, où ma principale préoccupation sera de retravailler ma foulée, afin de la rendre plus aérienne, économique et esthétique.

     Concrètement, ce qui va changer, ce sont les types de séances. Lorsque l’hiver, je me concentre sur la force et le volume à basse intensité pour adapter mon corps à la charge de la pulka, l’été, je vais, au contraire, privilégier les séances de « qualité », incluant des fractionnés plus ou moins longs ainsi que des sorties longues.

     De retour sur un modèle de course plus traditionnel que je connais bien, je dois, néanmoins, non seulement me préparer physiquement mais aussi mentalement. Ma dernière course de ce type remonte à l’UTMB 2024, il y plus de 7 mois en arrière. Je puise donc dans mes souvenirs, je relis mes anciens articles afin de me replonger par l’esprit dans ce type de course et l’effort que cela demande.

     L’Istria 100 se déroule à l’ouest de la Croatie, sur la péninsule d’Istrie, dans l’Adriatique. Le climat y est méditerranéen, avec une température moyenne annuelle de 15° et le Mont Vojak y est le point culminant, atteignant 1401m d’altitude.

     Ne pouvant pas être sur place avant le départ, je ne peux pas effectuer de reconnaissance du parcours. Pour pallier à cela, je regarde plusieurs vidéos de personnes ayant couru la course les années précédentes afin de me faire une idée, la plus précise possible, des chemins et des types de terrains que je vais rencontrer. J’ai également pris contact avec Jules Gerber qui a couru le 69km l’année dernière en terminant 6ème, et qui a gentiment pris le temps de me raconter son expérience ainsi que de répondre à mes quelques questions.

     C’est une course particulièrement roulante, peu technique et donc rapide. Le format 168km/6600D+ me semblait un peu long, en rapport du peu de temps de récupération que j’ai eu après le Yukon Arctic Ultra. J’ai donc préféré m’aligner sur le format 110km/4000D+ car c’est une distance sur laquelle je me sais capable de tenir une certaine intensité. La Raven 50 (82km/2900D+) que j’ai courue à Whitehorse l’été dernier est, en terme de ratio distance/dénivelé, très similaire. J’y avais réalisé une belle performance selon moi (2ème en 8H56′), et je m’en inspire donc fortement, en espérant réaliser cette fois une performance au moins égale, si ce n’est meilleure. J’ai effectivement 9 mois d’entraînement et de préparation en plus donc, théoriquement, je suis meilleur. Il ne me reste plus qu’à passer de la théorie à la pratique.

     Comme on peut le voir sur le profil, le parcours se découpe en 2 parties distinctes. Un premier marathon en forme de boucle, puisque l’on part de Buzet pour y revenir, avec un dénivelé positif jusqu’ici 2000m. La partie restante, de 70km, bien que parsemée de quelques bosses à gravir puis à redescendre, est beaucoup plus roulante. Notamment, avec plus d’un semi-marathon en plat-descendant pour rejoindre la ligne d’arrivée, ce dernier tronçon devrait donc aller particulièrement vite. Il s’agira de savoir gérer son énergie afin de ne pas craquer à ce moment-là, ce qui pourrait coûter très cher, en terme de temps ET de place à l’arrivée. C’est quelque chose que j’avais réussi à bien réaliser sur la Raven 50, en décrochant le meilleur temps des 10 derniers kilomètres.

     Concernant les ravitaillements, 2 sont accessibles à l’assistance : à Buzet au 42ème kilomètre ainsi qu’à Livade au 74ème kilomètre. Mon plan est de consommer essentiellement des barres protéinées, des pâtes de fruits et des gels. Rien d’extraordinaire de ce côté-là, je reste avec ce que je connais et ce que je sais faire. Une nouvelle fois, le but sera aussi d’optimiser au maximum les arrêts lors de ces ravitaillements.

     Après une coupure/récupération de 3 semaines sans aucune course à pied, il me reste 6 semaines avant le départ. Je fais part ici seulement des séances « clés ». Les autres séances sont des séances cool, afin de se faire plaisir et de faire du volume. Néanmoins, la grande majorité d’entre elles comportent un « temps rapide » où j’effectue entre 2 et 5km à une allure plus ou moins soutenue, à plat, afin de travailler ma foulée.

     Ce que vous attendiez toutes et tous : les secrets et les coulisses de ma préparation. Je publie cet article la veille du départ, je peux donc avoir une vue globale sur tout ce que je viens de faire. Cette préparation fut courte mais intense, avec de belles séances de qualité, quelques doutes également mais encore une fois une belle satisfaction du travail accompli au cours des dernières semaines. Sans plus attendre :

Semaine 1 : 31km/1000D+
     3 séances pour vérifier que tout fonctionne correctement, évacuer les petites gênes et douleurs résiduelles et remettre doucement le corps en route.

Semaine 2 : 96km/4100D+
     On rentre dans le vif du sujet avec 5 séances (+ quelques autres à côté) et le retour de quelques intensités:
     – Mardi : fractionné 10×400m
     – Dimanche : sortie longue 22km/1200D+

Semaine 3 : 110km/5000D+
     7 séances au total avec des doublettes certains jours:
     – Mardi matin : 15km/650D+
     – Mardi après-midi : 7km/350D+
     – Mercredi matin : fractionné 2×4×800m
     – Mercredi après-midi : 8km/450D+
     – Dimanche : sortie longue 28km/1300D+

Semaine 4 : 102km/3900D+
     5 séances dans une semaine un peu plus compliquée à encaisser de par la fatigue qui commence à s’accumuler. J’ai donc réduit le volume d’une vingtaine de kilomètres par rapport à celui que j’avais prévu. Il est toujours préférable d’arriver sur une course un peu moins entraîné mais en forme, plutôt qu’épuisé d’en avoir trop fait :
     – Mercredi : fractionné 2×4×800m
     – Dimanche : sortie longue 26km/1200D+

Semaine 5 : 61km/2200D+
     2 petites semaines avant le départ, la période d’affûtage commence. À l’image de la reprise, je réduis progressivement le volume, l’intensité et le nombre des séances :
     – mercredi : fractionné 2×3×400m
     – Dimanche : sortie longue 20km/600D+

Semaine 6 : 15km/100D+
     2 petites sorties dans les 4 jours précédant le départ, dont une partagée sur place avec Baptiste Galant, également aligné sur le 110km, pour reconnaître les derniers kilomètres du parcours.

     En plus de ces séances de course à pied, mon entraînement comporte aussi des séances de musculation pour le haut du corps, une à deux par semaine, afin d’être efficace en vue de l’utilisation des bâtons.

     Maintenant à quelques heures du moment de partir pour aller rejoindre la ligne de départ, je suis super excité, j’ai vraiment hâte d’y être. Physiquement je me sens super bien, mentalement je suis une nouvelle fois très satisfait de ma préparation et hyper enthousiaste à l’idée de découvrir de nouveaux sentiers, dans un nouveau pays et une nouvelle ambiance. Concernant la liste des coureurs au départ, une jolie densité dont 7 coureurs avec un index UTMB supérieur à 800. Avec mon index à 653 actuellement, je suis « seulement » 55ème dans cette liste, et mon dossard attitré, le 1055.

     Plusieurs paramètres me motivent au plus haut point au moment de prendre le départ de cette course.
     Premièrement, mon objectif numéro 1, comme à chaque compétition, est de prendre du plaisir et de le partager avec les gens autour de moi. Cet endroit, qui vit au rythme de cet événement tout le week-end, possède une énergie folle dont je me nourris et qui m’inspire pour donner le meilleur de moi-même.

     Deuxièmement, autre objectif personnel, après lequel je cours depuis l’année dernière déjà, c’est d’atteindre un index UTMB supérieur à 700. Je sais que j’en suis capable, mais habitant au Canada depuis presque 3ans, il m’était compliqué d’aller concourir sur des courses affiliées UTMB. Mon retour en Europe est donc l’opportunité de l’atteindre enfin.
     Troisièmement, toujours sur le thème de cet index UTMB, le bonus serait de se rapprocher le plus possible des 750. Pourquoi ??? Eh bien, car il s’agit de l’index nécessaire afin de pouvoir prétendre à intégrer l’équipe de « cam-runner » présente sur les événements UTMB, et à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc à Chamonix lui-même. C’est-à-dire être à l’avant de la course, pour filmer les meilleurs trailers du monde et retransmettre la course en direct. Ce serait un rêve qui se réaliserait et une opportunité incroyable de côtoyer de près le très haut niveau.
     Enfin, il s’agit de ma première course internationale après ma 2ème place au Yukon Arctic Ultra. J’ai donc à cœur de « confirmer » cet état de forme, montrer que je suis non seulement capable d’être rapide sur la neige, mais aussi sur les sentiers. Cela me donnerait l’occasion de gagner un peu plus de légitimité pour continuer de me rapprocher de mon objectif à long terme, celui de devenir ultra-trailer professionnel.

     L’hiver est maintenant derrière moi, la saison estivale s’apprête à commencer, et je n’ai qu’une chose à dire : j’ai très, très hâte. Vous vous en doutez, le prochain article est bien évidement déjà programmé, il s’agira du résumé de cette course qui, je l’espère, sera plein de bonnes nouvelles!!

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